Paola Mugnier et Fanny Provent, pouvez-vous nous décrire vos parcours et vos projets ?
Paola Mugnier : passionnée par la ville durable, je m’engage actuellement en faveur de la Nature en Ville en accompagnant les acteurs de la ville pour développer la biodiversité et l’agriculture urbaine au sein de la startup Urbalia. A ce titre, je suis d’ailleurs Lauréate Woman4Climate du réseau international C40. Diplômée d’AgroParisTech, j’ai d’abord intégré VINCI Construction pour démultiplier les projets d’agriculture urbaine. C’est dans le cadre du lab recherche environnement VINCI-ParisTech que nous avons avec Fanny investigué les projets sur les toits-terrasses.
Fanny Provent : ingénieure Agronome, je suis passionnée par l’agriculture urbaine. J’ai d’abord exploré sur le terrain l’agriculture urbaine aux côtés de la SAUGE la Société d’Agriculture Urbaine Généreuse et Engagée. Je me suis ensuite investie techniquement dans le sujet des toitures-terrasses avec Paola Mugnier et le lab recherche environnement. Aujourd’hui, je coordonne la Chaire Agricultures Urbaines d’AgroParisTech où nous approfondissons les connaissances et les outils pour des agricultures urbaines durables.
Notre projet : le livre « Agriculture urbaine : comment aménager une toiture-terrasse ? », cet ouvrage a pour point de départ trois constats.
Tout d’abord, nous avons entamé ce travail à un moment où l’agriculture urbaine explosait, notamment sur les toits parisiens, mais pas seulement ! Et avec elle, une grande variété de formes de projets, de systèmes de production, de porteurs de projets,… qui n’était pas toujours bien comprise par les acteurs de la ville. En effet, quand on parle d’agriculture urbaine sur les toits, on ne se restreint pas aux très connus jardins partagés par exemple.
On parle aussi de jardin pédagogique, de ferme urbaine productive, de jardin thérapeutique, de microferme urbaine, de terrasses comestibles,…. De plus, mettre en place de l’agriculture urbaine sur un toit, ce n’est pas seulement végétaliser le bâti. C’est intégrer un projet, porté par des acteurs spécifiques, avec leur propre modèle de fonctionnement, leurs flux à gérer.
Enfin, l’agriculture urbaine est à la croisée de diverses réglementations (Code de l’Urbanisme, Document Technique Unifié des toitures-terrasses, Code Rural,…), et il n’existe pas encore de document cadre pour les toits-terrasses. Les compétences sont partagées dans la chaine de valeur de la fabrique de la ville. Par exemple, une collectivité connaîtra précisément les attentes de ses habitants quand le constructeur saura dimensionner un toit et l’agriculteur urbain pourra définir ses besoins techniques.
C’est donc pour rassembler ces différents éléments au sein d’un même outil opérationnel que nous avons rédigé le guide pratique « Agriculture Urbaine – Comment aménager une toiture-terrasse » publié aux Editions Eyrolles.
Selon vous, quels sont les enjeux de la végétalisation de nos villes dans les années à venir ?
Fanny Provent : selon moi, ils sont multiples et ont un lien étroit avec la nécessaire adaptation des villes au changement climatique. Végétaliser les villes nous permet de renouer avec la nature pour notamment apprendre à en prendre soin et à bénéficier des nombreux services qu’elle peut nous rendre. Ces services peuvent être des services de régulation du microclimat urbain (ombrage, rétention des eaux pluviales), du bien-être et du paysage mais également de l’accueil de la biodiversité aujourd’hui en fort déclin. Dans un contexte de densification urbaine et d’étalement urbain, il est important de maintenir des aires de respiration et de nature dans des villes qui seront de plus en plus sujettes aux fortes chaleurs et aux autres conséquences du changement climatiques.
Paola Mugnier : la végétalisation de la ville est désormais une évidence à bien des égards. Mais il ne s’agit pas seulement de mettre du vert dans la ville, mais bien d’intégrer les écosystèmes dans la façon dont on fabrique la ville… Par exemple, pour concevoir un projet urbain, on pourrait commencer à poser sur le plan les trames écologiques vertes, bleues, brunes [pour le sol], noires [pour la lumière], avant même de positionner les bâtiments et les voieries. Et pour cela, il faut également intégrer de nouveaux savoir-faire ! Les écologues travaillent désormais avec les paysagistes et les architectes, les agriculteurs urbains sont de nouveaux partenaires des promoteurs. Il faut favoriser ces équipes pluridisciplinaires tout en créant un langage commun entre les différents acteurs, développer des expertises pratiques de génie écologique urbain pour transformer ces intentions en réalités. Bien sûr, il est indispensable que les collectivités continuent de se doter d’outils et de politiques ambitieuses et la « vague verte » des municipales est un signal positif des transformations urbaines en cours.
Quels conseils donneriez-vous à des habitants de grandes villes pour mettre du végétal dans leur quotidien ?
Paola Mugnier : Tout d’abord, n’hésitez pas à vous lancer, à rater, et puis recommencer ! Commencez par chez vous, en semant, repiquant, produisant sur votre balcon, dans votre cuisine… Des tutoriels existent pour vous guider, comme ceux de la SAUGE. Et puis connectez-vous à d’autres personnes qui souhaitent eux aussi développer la nature dans votre ville, que ce soit en suivant l’AFAUP Association Française d’Agriculture Urbaine, en soutenant les acteurs locaux sur des associations de crowdfunding comme Blue Bees par exemple, en vous renseignant sur les associations de votre territoire.. et tout simplement, en vous promenant ! On est parfois étonné de la richesse végétale qu’on peut trouver dans un coin de rue…
Fanny Provent : je leur dirais de se renseigner sur ce qui est fait en termes de végétalisation à l’échelle locale, de proposer des projets de jardins partagés ou de végétalisation de pieds d’arbre par exemple via les budgets participatifs mis en place dans de nombreuses villes. Je leur dirai de former des collectifs de citoyens pour que leur voix porte et soit entendue. De nombreux projets ont vu le jour grâce aux idées et aux énergies de collectifs d’habitants désireux de faire changer les choses à leur échelle.