Orlanne Crauet, fondatrice de Les Alcyonides Swimwear, pouvez-vous nous décrire votre parcours et votre projet ?
Après un master en marketing en école de commerce, et plusieurs expériences à l’étranger (notamment aux Etats Unis et en Chine), j’ai commencé ma carrière dans les cosmétiques en marketing à Londres.
J’ai ensuite intégré une marque de mode anglaise, en me spécialisant sur le marketing auprès des distributeurs et celui des outlets.
C’est cette expérience qui m’a donné envie de lancer Les Alcyonides Swimwear : plus que jamais inspirée par l’univers de la mode, je voulais créer une marque en adéquation avec ses valeurs.
La création des Alcyonides Swimwear est le fruit d’un cheminement et de mes propres interrogations. En travaillant au cœur de l’industrie de la mode, je ne pouvais plus supporter les excès de production et je m’interrogeais en permanence sur la vraie valeur des produits que je marketais : ils se vendaient jusqu’à -70 % de leur prix de vente original dans les outlets.
J’ai alors pris conscience de l’impact écologique évident de la fast fashion, mais également de sa responsabilité sociale. En effet, elle ne rémunère pas à leur juste valeur les employés qui y travaillent, le plus souvent dans des conditions déplorables.
Mes lectures sur la mode durable et la fast fashion ont aussi influencé sa propre façon de consommer la mode : aujourd’hui, je n’achète plus de produits de la fast fashion.
J’ai alors fait un choix radical : j’ai décidé de créer des vêtements en faisant partie de la solution et non pas du problème !
J’ai imaginé Les Alcyonides Swimwear autour de quatre grands axes :
Démarche éco-responsable : nous utilisons des matières recyclées (pour les maillots de bain), ou biologiques (pour les tee-shirts). Notre nylon recyclé provient notamment de vieux filets de pêche perdus en mer auxquels nous donnons une seconde vie. Ces filets de pêche « fantômes » (les fameux ghost nets en anglais) sont un problème majeur dans nos océans, ils représentent presque la moitié de la pollution plastique actuelle. Laissés à la dérive dans la mer, ils emprisonnent poissons, oiseaux marins, et en détruisent les éco-systèmes. Nous participons donc à nettoyer les océans, et à donner une seconde vie aux déchets marins.
Production locale en Italie : j’ai à cœur de mettre en avant des savoir-faire européens tout en réduisant au maximum notre empreinte carbone (un tee-shirt parcourt en moyenne 40.000 km entre l’étape de production et de livraison au client final, chez Les Alcyonides Swimwear, nos tee-shirts parcourent en moyenne 4.000km). Je travaille avec des ateliers soigneusement sélectionnés pour leur expérience, leur professionnalisme et leur transparence. Je les visite régulièrement afin de m’assurer que mon cahier des charges, sur le plan environnemental mais aussi social, soit bien respecté.
Une mode à prix juste, pour permettre à mes clientes d’acheter de façon responsable sans y laisser leur porte-monnaie. Jusqu’à présent, l’offre du balnéaire éco-responsable était sur une fourchette de prix d’environ 150€, et en effet à ce prix-là tout le monde ne peut pas se permettre d’arrêter d’acheter de la fast fashion pour consommer plus durable. Nos modèles varient entre 48€ pour les tee-shirts, et 89.9€ et 99.9€ pour les maillots de bain.
Green, mais pas boring ! L’offre sur le marché des maillots de bain éco-responsables, en plus d’être sur un segment prix plutôt haut de gamme, n’était selon moi pas très originale. Couleurs ternes, formes très classiques… J’ai voulu prouver que green ne rimait pas avec boring (cliché malheureusement assez répandu sur la mode éco-responsable) et j’ai imaginé des pièces colorées, élégantes, possédant chacune un vrai détail mode.
Je me consacre désormais à 100 % aux Alcyonides Swimwear et intervient à tous les niveaux : design des maillots, achat des tissus, gestion de la production, développement du site internet et des réseaux sociaux, service client, gestion de la logistique etc…
Selon vous, quels sont les enjeux écologiques prioritaires dans les années à venir ?
C’est un vaste sujet ! Je dirais que le traitement des déchets plastiques est un enjeu majeur. Même si les comportements et règlementations ont déjà bien évolué (plus de sacs plastiques en caisse dans de nombreux supermarchés, développement du vrac et des recharges pour les cosmétiques notamment), il y a encore beaucoup à faire. L’été sur les plages, on retrouve régulièrement des bouteilles plastiques, des emballages de nourriture flottant dans l’eau…
Je pense qu’avec la crise sanitaire que nous traversons, c’est encore plus d’actualité avec les milliards de masques portés et jetés chaque jour dans le monde, qui sont aussi des déchets plastiques.
Un autre enjeu selon moi est d’inciter les grandes entreprises à être davantage transparentes sur leur chaîne de production/d’approvisionnement, afin de permettre aux citoyens de consommer de façon plus éclairée.
Si certains ne privilégient pas une consommation responsable, c’est tout simplement parce qu’ils ne réalisent pas forcément que le produit qu’ils achètent a parcouru des milliers de km, qu’il a été produit dans des conditions de travail douteuses ou qu’il contient des composants dangereux pour l’environnement.
Quels conseils donneriez-vous aux français pour “vivre vert au quotidien” !?
De mon côté, j’ai mis en place plusieurs petites actions pour limiter au maximum mon impact sur l’environnement : privilégier les emballages sans plastique, et s’il n’y a pas le choix, sélectionner au maximum ceux qui sont rechargeables. J’essaye aussi autant que possible d’acheter en vrac et de stocker les denrées alimentaires dans des bocaux en verre à la maison.
Je consomme des produits locaux et de saison, acheminés en circuit court.
Enfin, pour lutter contre l’obsolescence programmée, je fais réparer mes appareils électroniques usagés plutôt que d’en acheter des neufs.
Je pense qu’il ne faut pas culpabiliser d’être un « écolo imparfait », et chaque petite action permet de participer aux grands changements. Une fois ces actions mises en place, on peut passer au « niveau green » supérieur et incorporer davantage de changements dans son mode de vie !
Quelle initiative écologique vous a marqué dernièrement ?
C’est directement lié à mon domaine d’activité : j’ai récemment découvert des initiatives de nettoyage et dépollution des océans via des bateaux privés financés par des associations.
Ces bateaux sont dessinés spécialement pour pouvoir récupérer micro-débris, macro-débris et huiles répandues dans nos océans. Je pense par exemple à The Sea Cleaners, dont un des bateaux permet de récolter plus de 10.000 tonnes de déchets par an, mais ils sont plusieurs à avoir adopté cette démarche.
Les grands changements viennent souvent de petites actions locales qui raisonnent à grande échelle.
Plus d’informations sur www.lesalcyonides.com