Sandra Legel, CEO de BIOM Paris, pouvez-vous nous décrire votre parcours et votre projet ?
Il y a 5 ans, j’ai créé BIOM Paris pour réinventer les essentiels du quotidien en optimisant leur usage grâce au biomimétisme, en limitant au maximum leur impact écologique grâce à l’éco-conception tout en participant à la réindustrialisation française.
A l’époque on parlait beaucoup des drônes et je trouvais complètement absurde l’idée de me faire livrer un balai brosse qui ne fait pas son job par ce concentré de technologie. D’un côté, on progresse puis de l’autre côté on délaisse certains objets si peu glamour qui pourtant ont besoin d’être réinventés.
Notre premier produit a été une brosse WC, un objet essentiel : tout le monde en a une et l’utilise au quotidien, même si on n’aime pas en parler et qu’on n’y fait pas attention. ‘bbb La Brosse’ est le premier produit de notre gamme salle de bain : un balai brosse efficace, design, durable et entièrement fabriqué en France. 5 ans plus tard, on la retrouve dans des dizaines de milliers de foyers, d’hôtels en France et en Europe.
Mais c’est vrai ce n’est vraiment pas évident de se lancer dans l’éco-industrie, dans le hardware durable ; j’avance donc pas à pas, j’améliore mes produits en continu. Nous proposons aujourd’hui d’autres produits, toujours fabriqué de manière durable et en France.
Cet automne, nous sortirons un nouveau produit : Le Bog. Le 1er gobelet + couvercle éco-conçu, durable, fabriqué en France et équipé d’un QR code qui donnera des éco-tips. L’ambition de BIOM Paris est de devenir la marque française des produits éco-innovants durables français pour le quotidien, notamment pour la salle de bain.
Selon vous, quels sont les enjeux écologiques prioritaires dans les années à venir ?
Quand j’ai commencé à parler des conséquences des activités humaines en termes de production industrielle, on m’a souvent ri au nez. Pourtant, je suis restée convaincue que produire moins, mieux, localement, vendre au juste prix et être rentable durablement, c’est possible.
Aujourd’hui, le dérèglement climatique, lié aussi à notre système de surproduction et à notre société de surconsommation, n’est plus un sujet tabou. Les gens ont plus conscience des enjeux environnementaux ; on fait attention à ce que l’on achète, on prône une autre manière de consommer, plus responsable, on privilégie le local ou le « made in France », on évite les emballages plastiques, on réutilise, recycle tant qu’on peut, comme on peut… Bien sûr, nous sommes encore très très loin du compte, chaque partie prenante va devoir intensifier ses efforts.
Les paroles vertes, c’est bien, mais il est urgent de passer à l’action, à une autre échelle que l’échelle individuelle. Fabriquer des produits d’une manière plus responsable est essentiel pour moi depuis le début du projet.
Selon moi les enjeux écologiques prioritaires seront la rareté de l’eau et la qualité de l’air. Jean-Claude Van Damme a récemment fait le buzz avec cette phrase : “J’adore l’eau ; dans 20-30 ans, il n’y en aura plus”. Combien de temps avons-nous devant nous ? Je n’en sais rien et je ne cherche pas à faire peur. C’est un vaste chantier, un chantier prioritaire que l’on doit mener ensemble : nous devons absolument repenser nos rapports avec notre environnement en tant qu’individus et en tant que sociétés. La nature nous a tant donné…
Quels conseils donneriez-vous aux Français pour “vivre vert au quotidien” !?
Je n’ai pas de conseils à donner, ce sont des choix personnels et chacun doit faire aussi en fonction de ses moyens. Cela dit, consommer moins et mieux, c’est possible ! En ce qui me concerne, je n’achète plus de bouteilles en plastique pour l’eau depuis des années, j’utilise uniquement des savons solides (sauf pour le shampoing car je n’ai pas encore trouvé l’alternative solide qui correspond à mes cheveux), je fabrique ma propre lessive la plupart du temps (mais il m’arrive aussi d’en acheter, en poudre).
A mon sens, la consommation responsable ne doit pas être une obligation, on ne doit pas se sentir coupable de ne pas être parfait. C’est pour ça que j’essaie de réconcilier responsabilité et plaisir en créant des objets durables pratiques et jolis. C’est important aussi que ce soit de beaux objets.
Avant de pouvoir créer de nouveaux standards puis de nouvelles normes, je pense qu’il faudrait investir massivement dans l’éducation, la sensibilisation aux enjeux environnementaux et mettre l’accent sur l’importance de l’éco-conception. Il faut mettre à disposition les outils pour penser et faire autrement à l’avenir. Les politiques et les entreprises doivent montrer l’exemple.
Quelle initiative écologique vous a marqué dernièrement ?
Je pense d’abord à une information qui m’a marquée en lisant la revue Global Change Biology au début du mois d’août : “Le manchot empereur disparaîtrait vers 2100 si les émissions de gaz à effet de serre suivent la tendance actuelle. L’oiseau qui se déplace en marchant comme un être humain pourrait être un symbole plus efficace auprès de l’opinion publique que l’ours polaire.
L’action politique globale va prendre du temps mais c’est justement ce que nous n’avons plus. En attendant, nous, individus, pouvons nous organiser pour retarder notre disparition ! C’est ce que fait le projet social et participatif “Un déchet par jour” en responsabilisant chacun dans le nettoyage urbain.
Le principe est extrêmement simple : les citoyens sont invités à ramasser un déchet, à se photographier en train de le jeter dans une poubelle et à partager le cliché sur les réseaux sociaux avec le hashtag #1pieceofrubbish. L’idée est ensuite d’inviter ses amis à reproduire l’initiative pour créer une chaîne de “nettoyage social”.
Je trouve aussi très intéressant le projet Biourban au Mexique : un arbre artificiel qui absorbe la pollution. La nature est une source d’inspiration infinie ! La solution n’est pas encore aboutie, mais cela montre encore une fois, que les solutions, nous les avons dans nos mains, sous nos pieds, dans nos têtes et qu’elles sont dans la nature !
Plus d’informations sur www.biom.paris
Crédit photo lesboomeuses.com