“Vivre vert au quotidien commence par la végétalisation de son alimentation. C’est l’acte le plus simple et le plus impactant pour le climat” Carole Tawema

Carole Tawema, cofondatrice de KARETHIC, pouvez-vous nous décrire votre parcours et votre projet ?

Française, née au Bénin, arrivée en banlieue parisienne à l’âge de 10 ans, c’est dans le cadre de mon mémoire de fin d’études que j’ai commencé à entrevoir la réalité de l’industrie du karité.

Après 4 ans de recherche sur le sujet, je décide de tenter d’apporter plus de pouvoir de négociation aux femmes sur un marché ou des acheteurs se servent de la vulnérabilité des productrices durant la saison de récolte des fruits du karité pour faire pression sur elles et baisser les prix.

L’idée principale était de faire connaitre le véritable beurre de naturel tel que la règlementation cosmétique Européenne le définit. C’est-à-dire un beurre de karité non raffiné (non transformé). Nous avons réussi à en faire un produit de qualité et d’efficacité supérieure en rémunérant mieux les productrices et en leur permettant de travailler dans des conditions sûres et un environnement sain.

Une solution pour garantir un revenu supérieur à des millions de femmes en Afrique et plus d’autonomie tout en préservant leur environnement grâce à la certification biologique de 505 hectares de parcs de karité.

Selon vous, quels sont les enjeux écologiques prioritaires dans les années à venir ?

L’enjeu écologique prioritaire est de comprendre que le vrai luxe est de pouvoir choisir la sobriété pour en faire une valeur et un mode de vie désirables.

Cela commence dès l’enfance à travers l’éducation mais pour que la jeunesse adhère, il lui faut des modèles donc des adultes qui chaque jour démontrent qu’on peut être heureux avec moins de produits, de signes extérieurs de richesse, et que c’est d’ailleurs l’unique manière d’être heureux durablement.

Comment provoquer ce changement de valeur ? En observant comment d’autres populations à travers le monde vivent sobrement avec moins d’électricité, moins d’eau, moins d’heures passées devant des écrans d’ordinateur ou de téléphone, moins de gaspillage.

Contrairement à nous, ces populations n’ont pas eu le luxe de choisir car ce mode de vie sobre est une conséquence des relations économiques et historiques entre pays riches et pays pauvres. Mais la majorité se sont adapté et ont survécu. Ces populations sont déjà impactées par le dérèglement climatique depuis des années. Elles ont survécu et ont développé des solutions.

Nous avons le luxe aujourd’hui de nous inspirer de ces solutions mais nous n’avons pas le droit de fermer les yeux sur les conséquences sociales et climatiques de nos modes de vie consuméristes sur ces populations.

Le réchauffement climatique est mondial et nécessite donc une justice sociale et climatique mondiale. C’est la raison pour laquelle nous avons initié l’association Internationale pour les femmes du karité et invitons tous les acteurs concernés à nous rejoindre.

Quels conseils donneriez-vous aux français pour “vivre vert au quotidien” !?

Je leur conseille de s’inspirer et s’entourer de personnes qui vivent déjà vert au quotidien sans cependant imposer leur choix à autrui. Vivre vert au quotidien commence par la végétalisation de son alimentation. C’est l’acte le plus simple et le plus impactant pour le climat.

Mais végétaliser son alimentation n’est pas économiquement accessible à tous. Il faut donc des politiques publiques qui favorisent par exemple des jardins solidaires partagés ou chacun met la main à la pâte pour produire son alimentation tout en faisant connaissance avec son voisin.

Pour que tous les Français puissent vivre vert au quotidien il faudra sans doute voter vert et solidaire aux prochaines élections législatives.

Quelle initiative écologique vous a marqué dernièrement ?

Aucune car la plupart n’intègrent pas la dimension du vivant, sociale ou sociétale et s’inscrivent dans une logique de croissance à court terme ou dans la même démarche consumériste. Tout se passe comme si pour des raisons économiques de quelques-uns, on se donnait le temps et la possibilité de choisir entre la dimension économique, écologique ou sociale alors qu’il n’y a pas d’écologie sans justice sociale et qu’il ne nous reste que 3 ans pour changer la donne.

Quel intérêt par exemple de lancer un produit solide shampoing ou gel douche à priori écologique, à base d’un ingrédient synthétique (Sodium Cocoyl Isethionate) dont le procédé de fabrication pollue et met en danger la vie d’autrui et la biodiversité alors que le savon existe depuis des millénaires ?

Certes le savon ne laisse pas le cheveu brillant mais il suffit de se rincer les cheveux avec une solution acide que tout le monde a dans son placard : du vinaigre de pomme. Ce qui au passage aurait pour avantage de soutenir les producteurs de pomme tout en valorisant les épluchures.

C’est contraignant de remplir un flacon d’eau avec du vinaigre ? Peut-être pour certains que le consumérisme a rendu un peu paresseux. Nous le sommes tous par moment, c’est la raison pour laquelle nous avons lancé notre ligne capillaire de shampoings et après shampoings 100 naturels pour un rituel beauté complet et minimaliste.

Cela dit, ayant grandi au Bénin, je suis agréablement surprise de constater que des initiatives écologiques qui émergent aujourd’hui en France sont dans le mode de vie des africains depuis des années.

Par exemple : le boom de la couture, de la seconde main et de la réparation. On achète très peu de vêtements au Bénin ou en Afrique, on les fait coudre sur mesure et on les fait évoluer au fil des années ce qui crée de l’activité pour les artisans couturiers qu’on trouve à tous les coins de rue.

Ce métier est aujourd’hui en voie de disparition en raison de l’importation de vêtements de seconde main en provenance de pays riches. Vêtements qui transforment les couturiers en vendeurs sur les marchés mais la majorité des africains continuent à aller chez leur couturier favori dont le talent n’est pas délocalisable.

Tout se passe comme si les modes de vie entre pays riches et pays pauvres s’alignaient dans l’intérêt du climat donc de tous. Il nous faut juste veiller à ne pas créer de fausses solutions écologiques quand certaines existent déjà. Et j’en suis convaincue, la plupart des bonnes solutions sont en Afrique.

Plus d’informations sur www.karethic.com